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Victoire à Saint-Pierre-et-Miquelon

Voyage à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet archipel de l’Amérique du Nord est à première vue un paysage de carte postale : une nature préservée et une eau bleue qui entoure les villages aux maisons colorées. Un cadre d’exception donc pour les nombreuses activités nautiques pratiquées : voile, planche à voile, kayak, paddle, surf, etc. Mais la réalité n’est pas aussi parfaite. Surfrider Europe a été contactée cette année par Swany, citoyenne de l’archipel et adepte de kayak, à propos de l’état préoccupant de la qualité de l’eau, notamment dans le port de Saint-Pierre, à proximité immédiate du club de voile. L’association s’est alors intéressée de plus près à ce territoire, en accompagnant les initiatives locales. 

Le réseau pluvial et d’assainissement : une histoire sans fin à Saint-Pierre-et-Miquelon 

À Saint-Pierre-et-Miquelon, les habitants connaissent bien la cause de la pollution de l’eau : le réseau d’assainissement des eaux usées. Zoom sur son histoire.  

En 1989, les îles ne disposent pas de réseau d’assainissement, tout est renvoyé directement en mer. IREMER s’interroge alors sur la qualité de l’eau dans ces îles où la pêche est très pratiquée. L’institut publie alors un rapport qui fait part d’une contamination de l’eau aux germes fécaux, et recommande la réorganisation de la gestion des eaux usées. Sur l’île de Saint-Pierre, le premier réseau d’assainissement voit le jour à la fin des années 90. Il est composé de 15 stations de relevage dispersées sur l’île et équipées de pompes qui renvoient les eaux usées vers la station de Galantry. Celle-ci est censée assurer un prétraitement des eaux des usées, avant qu’elles ne soient évacuées par un long conduit au large des côtes. 

Théoriquement, ça devrait marcher. En pratique, le réseau souffre de nombreux défauts de fabrications, et les matériaux, de piètre qualité, n’ont pas résisté aux phénomènes naturels. De plus, le réseau n’a pas été construit séparément de celui des eaux pluviales, rendant le traitement possible uniquement par temps sec. Enfin, la responsabilité de la gestion et de l’entretien du réseau ayant été mal définie en amont, personne ne s’en est occupé. Le long du port ou des côtes, il est donc facile de tomber sur des matières fécales et des déchets hygiéniques. Et même sans les voir, la couleur et l’odeur de l’eau restent plus que douteuses.   

Prise de conscience locale et témoignage : le début d’un travail d’investigation de six mois 

Swany, pratiquante de kayak, réside depuis peu sur l’île de Saint-Pierre. Elle témoigne au micro de Mathias Raynaud, journaliste d’investigation pour la 1ère : « Je crois qu’au début je ne m’en suis pas forcément rendue compte, parce qu’on est toujours un peu émerveillé des premières images qu’on voit, les couleurs, le bleu de la mer… Et puis à force on a creusé un peu le sujet, on entend des choses à droite à gauche, et forcément ça interpelle, ça choque, ça scandalise, et ça énerve […] de savoir que les eaux usées, toutes nos eaux usées sont rejetées à la mer ». Face à cette pollution bactériologique et chimique, elle a donc contacté Surfrider Europe, par le biais des Coastal Defenders, pour que l’association l’aide à lutter contre cette pollution et à préserver la qualité de l’eau et la santé des usagers. 

Un travail d’investigation de six mois sur le terrain a alors commencé. Afin de comprendre et de connaitre l’état de « santé » des eaux à proximité de la zone de mise à l’eau de l’école de voile, et de pouvoir débattre du problème, un plan d’action a été travaillé avec Swany et une équipe de journalistes de France TV. Non soumis à la réglementation, car il ne s’agit pas d’une zone de baignade, ce terrain de jeu de l’école de voile ne bénéficie d’aucun contrôle sanitaire et donc d’aucune donnée sur la qualité des eaux. L’équipe a donc réalisé une campagne de prélèvements en kayak sur six points stratégiques. Une méthodologie d’acquisition des données a été déployée et les analyses des échantillons ont été réalisées dans un laboratoire agréé pour mesurer les concentrations en E. coli et entérocoques ; bactéries indicatrices des pollutions d’origines fécales. 

Des résultats alarmants, mais un levier pour discuter 

Les résultats ont révélé une situation critique, bien qu’il s’agisse de prélèvements à un instant T. Pour les entérocoques intestinaux, les quantités étaient trop élevées pour être filtrées et analysées. Pour E. Coli, les résultats sont vagues mais témoignent clairement d’une pollution fécale : plus de 4 800 germes pour 100ml, alors que la norme européenne est fixée à 1 000 germes. Comme le souligne Marc, expert Qualité de l’eau et Santé chez Surfrider Europe, « là les résultats sont supérieurs à 4 800, donc ça veut dire qu’on est déjà au minimum quasiment cinq fois au-dessus des normes, mais on peut être à 40 000, 50 000 ou 100 000 ». Des analyses plus poussées seraient nécessaires pour une meilleure évaluation de la qualité de l’eau. Les risques pour la santé ? Des gastro-entérites, des otites, des conjonctivites, voire des staphylocoques dans des cas plus graves. 

La suite de ce travail d’investigation, c’est de discuter avec les autorités, les acteurs territoriaux et locaux de l’assainissement pour leur partager ces chiffres pour les inciter à agir en amont et traiter à la source les problèmes en cas de pollution des milieux aquatiques. 

La victoire : les autorités agissent, un petit pas vers une amélioration du réseau d’assainissement 

Le 6 octobre dernier, les trois collectivités – Saint-Pierre, Miquelon et Langlade – ainsi que le préfet se sont réunis pour signer un engagement commun pour un nouveau schéma territorial de l’eau potable et de l’assainissement des eaux usées. Le travail sera long et coûteux, mais c’est une première victoire de taille pour l’île et ses résidents ! Rien n’aurait été possible sans les multiples témoignages des citoyens, dont celui de Swany, sans leur implication, et sans le travail d’investigation de l’équipe de Mathias Raynaud.  

Ce travail d’alerte face aux atteintes à la qualité de l’eau et à la santé des usagers de l’océan, c’est ce que font nos Coastal Defenders partout en Europe. Contactée par des citoyens comme Swany ayant repéré une pollution, Surfrider Europe accompagne les témoins par son expertise pour mener des actions locales et inciter les autorités locales à combattre ces pollutions. Aujourd’hui, ils ont besoin de votre soutien et de vos alertes pour préserver nos mers, nos lacs et nos rivières. 

Enfin, pour prévenir de telles pollutions, Surfrider Europe dispose également d’un autre levier : le droit européen. La surveillance de la qualité de l’eau en Europe est régie par la Directive Eaux de baignade, dont une révision est prévue l’année prochaine. L’association assure un travail d’influence continu pour y intégrer davantage de conditions et protéger votre santé. L’association milite notamment pour que les zones d’activités nautiques soient prises en compte à la Directive. Le cas du port de Saint-Pierre démontre qu’il s’agit là d’un impératif de santé publique. 


De nombreux autres cas de pollution peuvent être évités. Surfrider Europe a toujours besoin de votre soutien pour prévenir ces pollutions et préserver la qualité de l’eau de nos mers et océans. 



Découvrir « Voyage en eaux troubles », un reportage de Mathias Raynaud pour La 1ère