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Les courants océaniques en mauvais état

Les courants océaniques vont mal. C’est ce que révèlent deux enquêtes récentes, publiées dans la revue Nature. Elles constatent un dérèglement alarmant de la circulation des courants marins, notamment en Atlantique. Si celle-ci venait à ralentir davantage, voire à s’interrompre, les conséquences seraient irréversibles.

Depuis plusieurs décennies, des chercheurs observent la circulation thermohaline, c’est-à-dire la circulation des courants océaniques. Aujourd’hui, les scientifiques sont formels et attestent des traces de dérèglement : le courant océanique n’a jamais été aussi faible depuis 1600 ans.

Dérèglement climatique

Les résultats révèlent que la circulation des courants océaniques a été relativement stable entre l’an 400 et 1850 et a commencé à s’affaiblir au début de l’ère industrielle. Ce déclin notable à partir de 1950 environ est très certainement lié aux activités humaines, impactant directement la nature.

L’affaiblissement de la circulation de ces courants (connus sous l’acronyme d’AMOC : circulation méridienne de retournement de l’Atlantique) est donc le résultat du réchauffement climatique. La fonte de la banquise libère de l’eau douce en grande quantité dans l’océan. Cette eau affaiblit les courants en empêchant les eaux de devenir assez denses pour circuler. Cette eau moins salée compromet le processus de circulation océanique entre le Sud et le Nord de la planète.

Cette circulation constante des eaux marines permet la remontée des eaux chaudes des zones tropicales de l’Atlantique vers le Nord, grâce au Gulf Stream, réchauffant au passage l’Europe de l’Ouest. Une fois dans le Nord, ces eaux refroidissent, deviennent plus denses et plus lourdes et repartent vers le Sud.

Ce gigantesque tapis roulant fonctionne grâce à la différence de la densité de l’eau de mer. Ce circuit traverse le monde et régule le climat. C’est ainsi que le Gulf Stream permet à l’Europe occidentale d’avoir un climat tempéré. Si, vers le Nord, l’eau de l’océan ne se refroidit pas assez et si le niveau de salinité de l’eau se réduit, le système ne fonctionne plus correctement. L’eau n’est plus suffisamment dense et salée pour plonger et opérer son retour vers le sud.

Des conséquences importantes

Le Woods Hole Oceanographic Institution, qui a contribué aux recherches, avertit : « si le système continue de faiblir, cela pourrait perturber les conditions météorologiques depuis les États-Unis et l’Europe jusqu’au Sahel et provoquer une hausse plus rapide du niveau des mers sur la côte est des États-Unis ».

Cette circulation des courants océaniques est indispensable au bon déroulement de la vie marine. Ces courants transportent des nutriments, des larves de coraux, des poissons et surtout de l’oxygène. D’une zone à l’autre, certaines parties de l’Atlantique peuvent donc manquer de ces éléments, perturbant les écosystèmes marins. Les courants contribuent également à la capacité des océans à absorber et à stocker du dioxyde de carbone (CO2), principal responsable du réchauffement climatique. Si les courants marins perdent encore en force, la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sera plus conséquente, ce qui contribue au réchauffement climatique.

La pêche pourrait aussi être affectée par l’affaiblissement des courants. La hausse ou la baisse des températures, le changement de profondeur et le manque d’oxygène nuisent à certaines espèces de poissons, à la quantité de plancton, aux baleines et aussi aux oiseaux. La pêche commerciale est donc le premier secteur d’activité touché par ces changements.

Les études ne précisent pas si ce système naturel des courants va continuer à perdre en puissance. Si c’est le cas, de plus en plus de perturbations météorologiques seront à prévoir : impact sur la trajectoire des tempêtes venant de l’Atlantique, des vagues de froids et de chaleurs intenses, une augmentation rapide du niveau des mers …

Les conclusions des études sont en effet inquiétantes. Acteur principal de la régulation du climat mondial, le renversement de l’Atlantique est essentiel au bon fonctionnement des écosystèmes marins et de la vie terrestre. Le changement climatique, à l’origine des activités humaines, est le principal suspect de ces dérèglements : un effort pour réduire son empreinte environnementale est plus qu’attendu.