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Vers une pollution zéro des eaux usées : où en est la législation européenne ?

Conformément à l’ambition de son « Pacte Vert« , la Commission européenne a publié le 26 octobre dernier un pack « zéro pollution » proposant des règles plus strictes en matière de qualité de l’air et de l’eau. C’est un moment crucial pour influencer le processus d’élaboration des politiques et s’assurer que les nouvelles mesures mises en œuvre garantiront la protection de l’Océan et de ses usagers.

Plus précisément, ce pack comprenait deux propositions sur la pollution de l’eau : la révision de la Directive sur le traitement des eaux résiduaires urbaines et la liste des polluants des eaux de surface et souterraines au titre de la Directive-cadre sur l’eau.

Dans le cadre de sa campagne « Healthy Waters« , Surfrider Foundation a mis à profit son expertise en matière de qualité de l’eau pour analyser ces deux propositions et fournir ses premières conclusions.

Nos eaux usées domestiques : une source de pollution importante ayant un impact direct sur notre santé et notre environnement

Le traitement de nos eaux usées intervient à la toute fin du cycle de l’eau, juste avant que celles-ci ne soient rejetées dans l’environnement. C’est donc le dernier instrument pour traiter la pollution de l’eau avant qu’elle n’affecte notre environnement marin et aquatique ainsi que notre propre santé.

En 1991, l’Union européenne a introduit une Directive ambitieuse sur le traitement des eaux résiduaires urbaines (ERU). Cette Directive impose la collecte, le traitement et le rejet des eaux usées provenant de sources urbaines et de certaines sources industrielles en Europe.  En 2019, la Commission a procédé à la révision de la directive et a publié un rapport d’évaluation mettant en évidence plusieurs failles et des opportunités inexploitées.

Tout d’abord, il existe des lacunes persistantes dans la gestion de certaines sources de charges d’eaux usées non traitées. Pour les sites de loisirs, l’échec du traitement (ou l’absence de traitement) des eaux usées reste la première raison de la mauvaise qualité de l’eau.

Deuxièmement, la pollution chimique n’est aucunement abordée dans la Directive, avec un grand nombre de polluants chimiques qui n’entrent pas dans son champ d’application. Ceci est d’autant plus préoccupant que les produits chimiques sont largement utilisés dans notre société et que la communauté scientifique s’inquiète de leur omniprésence dans l’environnement.

Enfin, un nombre croissant de cas de pollution par les biomédias est signalé et menace l’objectif essentiel de la Directive, qui est de protéger l’environnement. Ces supports en plastique sont utilisés lors de la phase de traitement biologique des eaux usées et peuvent se déverser dans l’environnement en cas de dysfonctionnements dans la surveillance ou de mesures de protection insuffisantes. Les biomédias finissent ainsi par polluer notre environnement marin, affectant la biodiversité et les habitats.

Avec son initiative publiée en octobre, la Commission vise à résoudre ces lacunes et à améliorer la gestion de nos eaux usées. Surfrider Foundation accueille favorablement cette proposition qui a le potentiel de répondre à ces problèmes en réduisant les sources restantes d’eaux usées non traitées ainsi qu’en prévenant la pollution de nos masses d’eau par un large éventail de polluants, y compris les biomédias.

Cependant, nous restons préoccupés par le fait que certains des changements proposés risquent de devenir des coquilles vides en raison de l’absence de mesures contraignantes.

En partenariat avec le European Environmental Bureau et Health Care Without Harm, Surfrider a examiné de plus près la proposition de révision de la directive que la Commission européenne a sortie.

Pollution chimique et état de nos masses d’eau : il est temps de mettre à jour les substances prioritaires de la DCE

La deuxième proposition met à jour les listes de substances prioritaires pour les eaux de surface et les eaux souterraines et les valeurs seuils légales qui leur sont associées. Ces listes sont utilisées pour surveiller et évaluer l’état chimique au titre de la directive-cadre sur l’eau, principal instrument juridique de l’UE pour la protection des eaux douces et côtières.

À ce jour, moins de 40 % de nos rivières, lacs, eaux côtières et de transition sont considérés comme atteignant un bon état chimique. La pollution terrestre en amont est connue pour être l’une des principales menaces pour la protection de l’environnement aquatique et marin. Il est grand temps que les listes de substances prioritaires soient mises à jour, celles-ci étant actuellement obsolètes et ne répondant pas pleinement aux défis posés par la pollution chimique. 

L’initiative propose d’ajouter aux listes une série de polluants cruciaux tels que les PFAS, les pesticides (par exemple le glyphosate) et les produits pharmaceutiques. Cependant, la proposition ne s’attaque pas au risque « d’effet cocktail » de ces substances et fait marche arrière sur certaines exigences existantes. Se joignant au European Environmental Bureau, à PAN Europe et à Health Care Without Harm, Surfrider partage son point de vue sur ces listes actualisées des polluants.

Ces deux initiatives sont maintenant entre les mains du Parlement européen pour être discutées et amendées par les eurodéputés en 2023. Nous suivrons de près les développements et ferons pression pour obtenir des révisions ambitieuses afin de garantir la protection de nos rivières, nos lacs, notre Océan ainsi que notre propre santé.